Stratégie | 06/10/23

Le télescope d'Equinoxe - Le Luxe trinque

Pour les lecteurs pressés, les points clés :

 > La nouvelle loi de finance 2024 offre peu de révolutions mais une volonté de protéger le pouvoir d’achat au détriment de la consolidation du budget.

 > Le montant record de besoins de financement de l’Etat dans un contexte de hausse des taux sera à surveiller.

 > Sur les marchés, ça chauffe. Hausse des taux et du dollar ont rimé avec baisse des actions et du crédit. Le Luxe a particulièrement trinqué.

 > Nous ne sommes pas plus inquiets que ça et nous positionnerons à l’achat lorsque les prix nous paraîtront attractifs.

 

Macro : Spécial Loi de Finance 2024

C’est de saison. La nouvelle loi de finance 2024 vient d’être dévoilée par le gouvernement. Sans qu’il s’y trouve de grande révolution, quelques mesures valent la peine de s’y attarder pour la fiscalité des ménages. De façon générale, la tonalité est résolument tournée vers la préservation du pouvoir d’achat, la transition climatique et les incitations à la verdification des pratiques. Pour ce qui est de la consolidation des finances publiques, ça attendra. D’ailleurs, les experts le disent depuis 20 ans : pour réduire intelligemment la dépense de l’Etat, il faut faire des choix stratégiques sur les périmètres d’intervention, et non pas raboter les programmes ici et là.

Château de carte. Le déficit budgétaire prévu est de 4,4%, en baisse par rapport à 2023 (4,9%). Néanmoins, il est permis d’être sceptique sur les hypothèses sous-jacentes : une croissance du PIB de 1,4% sur fonds de baisse forte de l’inflation (2,6%). Le Haut Conseil des Finances Publiques, organisme indépendant chargé d’évaluer ces hypothèses, les a qualifiées d’ « optimistes », un gentil euphémisme. Par comparaison, les économistes tablent plutôt sur 0,8% de croissance l’an prochain. Un dérapage est donc probable.

Mot d’ordre : pouvoir d’achat. Au-delà de l’environnement économique, un aléa important est que l’Etat français prévoit de lever 285 mds € sur les marchés financiers dans un contexte de taux d’intérêt en forte hausse. Ainsi, la charge d’intérêt pèsera dans les prochaines années, à mesure que le stock de dette est refinancé à des taux plus élevés. Pour autant, le choix politique de court terme est clairement de protéger les finances des ménages : le barème de l’impôt sur le revenu est indexé sur l’inflation et donc réévalué à hauteur de 4,8%, pour un coût de 6 mds € environ (Graphique 1). D’autres aides et prestations sont revalorisées : retraites, RSA, APL, ASPA, AAH, etc. A noter que le barème de l’IFI n’est quant à lui pas revalorisé.

Le barème de l’impôt sur le revenu suit l’inflation

Source : Ministère des Finances – octobre 2023

Durabilité à tous les étages. Les autres mesures phares pour les ménages s’inscrivent dans la politique climatique. Un « plan d’épargne durable » est créé pour les mineurs et bénéficie d’exonérations fiscales en contrepartie d’un blocage jusqu’à la majorité. La prime de rénovation énergétique est simplifiée avec deux piliers « efficacité » et « performance » et un objectif de 200 000 rénovations en 2024. Le prêt à taux zéro (PTZ) est recentré et prolongé jusqu’en 2027. Les bonus écologiques pour les achats de voitures sont aussi mieux ciblés pour les plus modestes et prennent en compte toute la chaîne de production – notamment, en filigrane, pour exclure les véhicules chinois.

 

Allocation de portefeuille

 

Le pétrole, ça chauffe. Ça a commencé à sérieusement chauffer sur les marchés depuis deux semaines. L’étincelle semble être venue des prix du pétrole, qui se sont rapidement envolés suite aux annonces de l’OPEP. Ainsi le baril a atteint 96$, son niveau le plus élevé depuis fin 2022, avant de lourdement retomber ces derniers jours à 84$. Le mouvement s’est transmis au marché obligataire, avec une remontée des taux d’intérêt à long terme. Aux Etats-Unis, le taux à 10 ans a atteint 4,80%, en France 3,50% (Graphique 2). Nous pensons que deux éléments se sont conjugués : d’abord la réinterprétation par les marchés de l’attitude des banques centrales (le fameux « higher for longer » – des taux plus élevés pour plus longtemps) ; ensuite un revirement brutal de beaucoup d’investisseurs jusqu’ici positionnés pour une baisse de taux dans un scénario de récession.

 

Les taux longs finissent par suivre les taux courts

Source : Bloomberg, Equinoxe – octobre 2023

Du taux au crédit. La nouveauté dans l’obligataire est que le mouvement de peur a aussi atteint le crédit, qui avait jusqu’ici très peu souffert des hausses de taux. Les spreads se sont écartés, causant quelques pertes sur nos stratégies de portage depuis fin septembre. Rien d’alarmant, nous restons très confiants sur la classe d’actifs et considérons que non seulement le scénario économique ne devrait pas causer une vague de défauts en Europe, mais que cette correction est plutôt une respiration saine après des performances exceptionnelles depuis mars.

Luxe, sans calme ni volupté. Une autre conséquence majeure de cette correction des taux est la baisse brutale du secteur du Luxe sur les marchés actions. Nous avions prévenu dans des éditions précédentes du Télescope que la hausse du secteur ressemblait de plus en plus à de l’exubérance.  Ces valeurs très typées Croissance sont particulièrement vulnérables au niveau des taux, en plus de leur exposition à la Chine. Cette correction était donc plutôt prévisible. Nous y restons attentifs afin de saisir des opportunités, sur ce qui reste de très belles entreprises, fleurons de l’industrie française et mondiale. Ailleurs sur le marché actions, nous sommes pour le moment déçus par la performance des petites capitalisations, dont nous avons parlé récemment, et qui ont souffert comme le reste ces derniers jours.

Tapis vert en faveur du billet vert. Enfin, dernier corollaire du mouvement des taux, le dollar a repris ses droits. Il s’est renforcé sur tous les marchés, notamment contre l’euro (brièvement passé en dessous de 1,04) mais aussi le yen, le yuan et les autres devises émergentes. Les stratégistes ont l’habitude de dire : « Quand le dollar monte, en général il casse quelque chose ». Pour le moment, on croise les doigts mais la vigilance s’impose. Au final, notre positionnement généralement prudent nous sert dans le contexte récent et notre état d’esprit sera de réinvestir sélectivement lorsque les conditions seront réunies.

 

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Portez-vous bien !

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